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 Dans l'olympe des 8e dan

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arno
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MessageSujet: Dans l'olympe des 8e dan   Dans l'olympe des 8e dan Icon_minitimeMer 30 Jan - 1:54

Il a débuté le Karaté en 1962, s'est entraîné chez Henry Plée avec les pionniers, est parti au Japon en 66, puis a sévi en équipe de France avec les Valera, Baroux, Setrouk and Co. Aujourd'hui, à 59 ans, Jean-Pierre Lavorato appartient au cercle très fermé des plus hauts gradés français, les 8e dan. Histoire d'une passion qui ne s'est jamais éteinte.
Par Ludovic Mauchien

Le personnage est sympathique, bon vivant, rigolard. Mais on sent tout de suite qu'il ne faut pas le titiller trop longtemps. Jean-Pierre Lavorato est un homme de caractère, un passionné aussi : pour le Karaté. Si les années ont adouci un tempérament fougueux, - bien qu'il précise, dans un éclat de rire, "qu'on peut chasser le naturel, il revient au galop" -, elles n'ont pas altéré cette passion qui le dévore depuis 41 ans, depuis un jour de 1962 où son professeur d'éducation physique, en banlieue parisienne, lui demande s'il a envie d'essayer le Karaté. Jean-Pierre Lavorato a alors 18 ans.
"En fait, il l'a demandé à tous ses élèves ; tout le monde a dit oui, mais le samedi matin, je me suis retrouvé tout seul ! J'ai commencé le Karaté en short et T-shirt. C'était difficile de trouver un Karatégi à l'époque. Le sport populaire, c'était le Judo."
II trouve rapidement son "Teki", les premiers kimonos importés du Japon qui ressemblaient à "des pantalons pour aller aux crevettes". En six mois, avec un entraînement quasi-quotidien, il obtient sa ceinture marron. Puis son professeur, lui-même élève de Plée et d'Oshima au fameux Dojo de la Montagne Sainte-Geneviève à Paris, décèle un certain talent chez Jean-Pierre Lavorato et lui propose de venir s'entraîner avec les pionniers du Karaté français.

Pas question de faire semblant


"L'ambiance était extraordinaire. Il n'y avait que des passionnés, des gens sincères dans leur travail. Qui que vous ayez en face de vous, débutant ou ceinture noire, il fallait ouvrir l'oeil. A cette époque, les coups étaient appuyés. Les anciens se faisaient la main sur les jeunes (rires). C'était un monde multiculturel, où un tas de karatékas d'horizons différents se rencontraient. Il y avait vraiment l'esprit Karaté-Do. Comme la compétition n'était pas développée, ou peu, les gens pratiquaient pour eux. Je garde des souvenirs extraordinaires de cette période."

En 1966, il intègre l'équipe de France d'alors. Avec notamment Valera, Setrouk et Sauvin, il remporte la Coupe internationale de Cannes, une compétition de référence dans les années 60. Lui-même termine troisième en individuel. "Les combats n'avaient rien à voir avec ceux d'aujourd'hui. On pratiquait un Karaté beaucoup plus raide, plus statique, plus linéaire. On travaillait en force. Je me souviens d'un des premiers grands stages de Karaté organisés en France, à Saint-Raphaël (en 1966). Avec Dominique (Valera, son ami depuis 40 ans), on s'est vraiment défoncé. Il n'était pas question de faire semblant. Aujourd'hui, si on s'entraînait de la même façon, je crois que l'on n'aurait personne. Mais il ne faut pas faire de comparaison entre aujourd'hui et hier. Les mentalités ont changé. À l'époque, il n'y avait pas beaucoup d'enfants et la compétition était accessoire."

Le Japon, la terre promise


Toujours la même année, en 1966, il participe à l'une des épopées de l'histoire du Karaté français : l'expédition au Japon avec les frères Baroux, Valera, Setrouk, Nanbu, Ficheux. "Un voyage fabuleux ! On s'était cotisé pour acheter une traction familiale", se souvient Jean-Pierre Lavorato, "on a dû traverser la Tchécoslovaquie, la Pologne et l'URSS en pleine guerre froide. Puis on a eu des problèmes mécaniques. On a essayé de réparer, mais on a fini par abandonner la Traction sur la Place Rouge."

Avion vers les plaines d'Asie centrale, puis Transsibérien pour traverser l'URSS et enfin deux jours et demi de bateau pour rejoindre Yokohama et le Japon. "Pour nous, c'était la terre promise", rappelle-t-il. Pendant trois mois, Lavorato et ses compagnons vont visiter les différentes écoles de Karaté, regarder, écouter quand les Japonais le veulent bien, rencontrer les grands maîtres. "Nous étions parfois accueillis à bras ouverts, mais aussi parfois vraiment déçus par l'accueil froid que l'on nous réservait. Nous étions venus mettre nos tripes à l'air pour nous entraîner, pour progresser, pour être au contact de karatékas de haute valeur, pour apprendre. Nous avions du mal à accepter cette façon de nous recevoir. Mais certains ont été très gentils, comme Oyama, qui nous a invités à manger pendant les quatre jours où nous sommes restés."


Les rencontres et les entraînements se sont succédés, avec de grands maîtres du Shotokan, avec des senseï pratiquant d'autres styles. Parfois, ils sont testés par les combattants japonais. Les six heures d'entraînement quotidien en France leur sont alors très utiles. Moins techniques, ils compensent par leurs qualités physiques. "On prenait tout ce qui passait à portée de main. On a pu découvrir une autre orientation de travail."

Maître Kasé, une rencontre capitale


Durant ce séjour, Jean-Pierre Lavorato fait une rencontre capitale pour son avenir, le "grand truc de (sa) vie" : Maître Taïji Kasé, dont le discours modifie sa façon de concevoir le Karaté. L'année suivante, le maître japonais vient dispenser un stage chez Henry Plée. Jean-Pierre Lavorato est définitivement conquis. "Ce fut le révélateur de mon Karaté : le déplacement, les esquives, les pivots, l'idée du combat pur et simple. C'est vraiment à ce moment que j'ai mordu à l'hameçon. Aujourd'hui, il a 75 ans, mais je lui suis toujours fidèle (il habite à Vanves, en banlieue parisienne). Cela fait 38 ans et je prends toujours du plaisir à pratiquer avec lui."
Dès lors, Jean-Pierre Lavorato modifie son approche. Il continue tout de même la compétition jusqu'en 1970. Il gagne entretemps le Championnat de France 1968 (poule unique à l'époque), où il bat Valera, Didier, Saïdane et Baroux ! "Le soir, Dominique est rentré pieds nus à Lyon car il ne pouvait plus mettre ses chaussures à cause des coups. Moi, je me moquais de lui, mais le lendemain, j'étais pareil. Je suis resté plusieurs jours en charentaises", rigole-t-il. Mais le virage est pris. Il veut désormais explorer d'autres formes de Karaté-Do. En 1970, il crée son club, à Vincennes, qui est toujours aujourd'hui l'un des plus grands de France sous la direction de Christian Tissier. Son dojo devient bientôt le point de ralliement des plus grands karatékas de France. "On n'a jamais joué aux senseï. On était une bande de copains qui se retrouvaient pour s'entraîner. C'est plus important de s'entraîner que de jouer au senseï." Sous sa coupe, ses élèves deviennent champions de France combat en 1973 (Berthier, Clause, Cochy, Morel, Babille).

Pas un seul jour sans son karatégi


Lui continue sa quête, poursuit sa recherche sur le Karaté. En 1980, il part s'installer à Fréjus. Cours et stages ponctuent depuis son quotidien, sans se lasser un instant. "Je suis un vrai passionné. Je ne me vois pas un seul jour sans mettre mon Karatégi. Il faut que je m'entraîne. C'est un besoin. J'essaie toujours de progresser. Le Karaté-Do et la vie, c'est la même chose. Tout le monde peut progresser et celui qui n'essaie pas est, je crois, un idiot. Le Karaté est une continuité, une marche en avant. Quand poser son appui ? À quel moment doit-on placer la respiration ? Dans quel temps la hanche doit passer... Il y a plein de facteurs de recherche." Aujourd'hui 8e dan, grade le plus élevé en France, Jean-Pierre Lavorato est également expert auprès de la Fédération française. Et enfile toujours le karatégi tous les jours. "Dès que je le mets, je ne suis plus le même homme." Et quand il est couplé avec les retrouvailles avec ces vieux copains, le plaisir est d'autant plus intense. "C'est toujours avec plaisir que je rencontre les anciens. J'ai un élève de 61 ans et un autre de 80 ans, fabuleux, qui m'ont connu ceinture blanche. Hier, c'étaient eux qui m'entraînaient ; 40 ans après, c'est moi. C'est marrant, non ? Le Karaté a changé dans beaucoup de domaines. Moi, je continue ma vie de pratiquant."
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MessageSujet: Re: Dans l'olympe des 8e dan   Dans l'olympe des 8e dan Icon_minitimeMer 30 Jan - 14:38

cet homme est un exemple à suivre,je vais ajouter quelques articles le concernant tous aussi passionant.
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MessageSujet: Re: Dans l'olympe des 8e dan   Dans l'olympe des 8e dan Icon_minitimeMer 30 Jan - 14:46

Chercher l'engagement total


Tout d'un bloc, fidèle à sa passion comme à ses maîtres, Jean-Pierre Lavorato est devenu au fil du temps, par la plus juste des légitimités, celui qu'on suit et qui guide. Son sillon creuse celui du karaté français.
Portrait d'un patriarche.

Jean-Pierre Lavorato - En Bref


Jean-Pierre Lavorato est né à Viry-Châtillon,
le 30 juillet 1944. Il découvre le karaté à l'âge
de 18 ans, s'inscrit au fameux club de la
Montagne Sainte-Geneviève, où il devient
rapidement instructeur avec le japonais
Yoshinao Nanbu. En 1966, avec ses amis
Dominique Valéra et Alain Strouk, il parcourt le
Japon à la recherche de connaissances
nouvelles, mais c'est en France qu'il fait la
rencontre décissive de Maître Kase. Titulaire en
équipe de France, il devient champion de France
Open en 1968, simplement "pour prouver". Enseignant
et pratiquant, il a approfondi jusqu'à aujourd'hui
sa recherche rigoureuse du geste juste. Devenu l'une
des grandes références du karaté-do français,
Jean-Pierre Lavorato a rejoint ces dernières années
le groupe des experts nationaux à la demande de
Francis Didier.

ALLUMER LA FLAMME


«À dix-huit ans, je faisais de la gymnastique avec une bande de copains. Le professeur se mettait dans un coin pour frapper dans un sac et faire des techniques dans le vide. C'était du karaté. On était en 1962, personne ne connaissait ça. "Si ça vous intéresse, je vous fais cours gratuitement". J'ai dit oui, pour faire comme les autres. Le samedi suivant, j'étais tout seul ! Pendant six mois, Monsieur Mercier m'a fait un cours particulier de neuf heures à midi. Et puis il m'a dit : "Jean-Pierre, tu as des qualités, il faut que tu ailles t'entraîner ailleurs". Il n'y a pas de hasard pour moi. Ma chance a été de rencontrer une nature honnête et généreuse, un homme qui a deviné une petite chose latente en moi qu'il a su faire éclore... J'avais un naturel passionné, il a su me donner la flamme. Ce qu'il a ouvert en moi, c'est une grande passion pour le karaté. Une passion telle qu'elle a tout emporté. »


PRÉDISPOSITIONS
POUR LA PASSION
« Quand on me parle de prédisposition, cela me fait sourire. Moi je dirais plutôt que c'était de la volonté ! De ma banlieue du 91, il fallait que je fasse 10km à vélo pour aller faire de la culture physique, ce que je faisais régulièrement. Je continuais à aller m'entraîner avec M. Mercier le samedi, et le reste du temps à Paris. J'avais d'abord 15km en voiture, ensuite une heure de train, ensuite je prenais le métro... Et bien sûr il fallait que je m'entraîne jusqu'à la dernière goutte de sueur. Souvent je ratais mon train, je rentrais à minuit à la maison. Pour le karaté, je me serais fait couper en deux. Je ne pensais qu'à ça, je ne faisais que ça. Ce n'était pas un sacrifice non plus. À ce niveau de passion, on ne compte pas, on ne calcule plus rien. On trouve cela normal. »

UN VOYAGE


«En 1966, nous voilà parti avec Nanbu, Dominique Valéra, Alain Setrouk, Patrick et Jean Robert Baroux, Philippe Ficheux et moi. Il fallait vraiment avoir envie d'aller voir la terre promise... On a sollicité nos parents, réclamé de l'argent partout et on a acheté une traction familiale. La voiture a rendu l'âme dans les environs de Moscou. On l'a abandonnée sur la Place Rouge. Après ça on a pris l'avion, le transsibérien, puis le bateau pendant deux jours pour arriver à Nagoya ! Le voyage a duré dix jours. On campait, on dormait dans la voiture, ou à cinq dans une chambre d'hôtel pour deux personnes. On a eu la chance de côtoyer des grands maîtres comme Gogen Yamaguchi, maître Oyama et bien d'autres. On s'entraînait partout dans les dojos, face à tous les styles. Les Japonais nous attendaient sur le physique, mais Valéra, et moi nous faisions du footing pratiquement tous les jours, deux heures de sac, trois heures de combat... À cette époque on était plutôt affûtés !»

KASE, LE RÉVÉLATEUR


«C'est moi qui suis allé chercher maître Kase. Je le ramène à la montagne Sainte-Geneviève, on lui sert une bière et on me présente comme le meilleur élève, le capitaine de l'équipe de combat et l'entraîneur du dojo. À cette époque j'étais déjà en équipe de France. Maître Kase me dit : "Tu as ton kimono ? On va s'entraîner". On descend au dojo, il me salue : "Jyu-kumite !". Pas d'échauffement, rien ! On a combattu pendant trois quarts d'heure, et je n'ai pas vu le jour. À la fin il me dit : "Les jambes, ce n'est pas ça". Pendant deux heures sans souffler, j'ai fait des techniques de jambe. J'ai cru que j'allais exploser. Il était là pour quinze jours... J'étais tout seul avec lui le matin pendant deux heures, l'après-midi deux heures, et le soir avec tout monde pendant deux heures encore. En quinze jours de temps, j'ai perdu huit kilos. La nuit, je n'arrivais plus à dormir tellement j'étais excité d'entraînement. J'avais droit à tout : combat, kata, travail technique, et j'en redemandai! Il a fini par venir s'installer en France en 1967. Je suis devenu son premier élève. Et encore maintenant, 35 ans plus tard, je suis toujours son élève. »

DÉTENIR LA VÉRITÉ


«Je ne suis pas un maître. Ceux qui ont envie de ce mot-là, c'est qu'il est dans leur tête. La valeur ne s'auto-proclame pas, c'est dans le regard des autres, qu'on peut être un maître. Dans le karaté, un des problèmes c'est que beaucoup de gens pensent détenir la vérité. Moi je pense qu'on peut être plusieurs... Où alors personne! De toute façon, la vérité, ce n'est pas le problème majeur. Ce qui compte c'est de travailler! Je ne cherche pas la vérité de quoi que ce soit. Je cherche à approfondir, dans la réalité.»

LE COMBAT ET LE COUP D'OEIL


« Le combat, c'est essentiel. Il faut combattre. Tous les jours. Et même quand on est vieux, qu'on ne peut plus combattre, il faut travailler à deux. Parce que tout le monde parle de concentration mentale mais le plus important c'est le coup d'oeil. La concentration visuelle. Il faut aiguiser le coup d'oeil.

L'ÉLÈVE ET LE PROFESSEUR


« Un professeur, c'est quelqu'un qui reste élève. Le bon élève est un bon pratiquant et le bon professeur est aussi un pratiquant. Pour moi il n'y a pas d'élèves ni de professeur.Il y a des pratiquants qui ont choisi d'entrer dans la discipline du karaté. La pratique, c'est la discipline commune. Tout le monde la partage.»

JUSQU'OU ALLER PLUS LOIN ?


«J'ai envie de progresser encore. Je veux essayer d'aller voir plus loin. Je ne sais pas si je vais y arriver, mais je vais essayer encore. La technique n'est pas parfaite, rien n'est jamais parfait. Ce n'est jamais fini ! Sauf à partir du moment où vous pensez que vous êtes bon. Alors là, oui, c'est fini. Maintenant c'est une recherche de sensations, pour essayer de se détacher de la matière et du moment. Eviter les appels, trouver le détachement, ne plus avoir l'envie de faire mal... Une forme de décontraction qui permet d'aller plus vite, d'entrer plus efficacement dans la distance. Ce n'est pas une posture mentale, c'est de la relaxation. Arriver à trouver une tension interne, et non pas une contraction. Recherche de vitesse maximum : le seul moment de verrouillage doit être à l'impact. On cherche l'engagement total, même si on sait bien que c'est impossible...»


MA COMPÉTITION


«J'aimais la compétition, mais sans être un fana de ça. Je préférais le contact fort... Mais j'étais sur le tapis dans la position de l'instructeur et j'avais le sentiment qu'il fallait que je prouve. En plus à ce moment-là, on avait tendance à dire : « Lavorato, c'est les kata ». Ce n'était pas de ma faute, si je les avais appris! Pour nous, la compétition était accessoire. Les entraîneurs nous préparaient deux, trois mois à l'avance, en combat comme en technique. Maintenant c'est une spécialisation. Mais je suis contre la comparaison et je ne prétends pas savoir ce que doivent faire les gens. Je revendique une seule chose, le droit pour chacun de pratiquer dans la direction qu'il a envie.»

UNE PASSION EXCLUSIVE


«Pendant longtemps, j'ai eu du mal à accepter chez les gens le manque de discipline, le manque d'engagement. Pour moi il y avait un travail à accomplir selon certains principes, c'était tout. Je crois que ma passion exclusive pour le karaté m'a longtemps un peu coupé des autres, des situations de la vie. Aujourd'hui, je n'attends rien des gens, j'accepte tous les types de pratique, je comprends les difficultés que chacun rencontre et j'apprécie simplement de voir de l'énergie consacrée au karaté... Même si je suis encore un peu troublé par ces gens de talent qui renoncent à le cultiver... Mais chacun est libre de son choix. Si la passion du karaté m'a un peu coupé des autres pendant un temps, c'est le karaté qui m'a permis, finalement, de mieux entrer en relation avec eux.»

ÉTEINDRE LE FEU INTÉRIEUR


«Ma passion pour le karaté, au début, a été un refuge, peut-être. Au fur et à mesure de ma pratique, le karaté-do est devenu un guide, une manière de vivre. Aujourd'hui, la vie de tous les jours et le karaté c'est la même chose pour moi. Le karaté fait partie de tous les moments et de tous les instants. Et il m'a changé, modestement. C'est petit à petit, je m'en aperçois avec le recul du temps, que ma réaction devant les choses a évolué. Je ne m'énerve plus vraiment. Et si quelque chose fait impression sur moi, dans la minute qui va suivre, j'aurais éteint le feu intérieur, j'aurais fait un retour. On ne va pas appeler ça la sagesse, mais, disons, un peu de calme intérieur. Je suis plus serein.»

LE KARATÉ-DO NE PEUT PAS MOURIR

« Le karaté qu'on a fait nous, cela ne mourra pas. Il y aura toujours des gens pour pratiquer de cette façon. On n'a pas besoin d'être des milliers ! Je n'ai peur de rien. Même si c'est du bouche-à-oreille, même si c'est avec un tout petit noyau... Cela ne mourra pas. Le groupe de professeurs, dont je fais partie, sont tellement attachés à cette recherche, à cette pratique, qu'ils continuent à travailler, à enseigner à certains de leurs élèves de la façon dont nous avons appris. Et je ne dirai jamais que les gens qui font de la compétition ne rentrerons jamais dans le karaté-do un jour. On peut très bien vivre en harmonie totale, les uns à côté des autres, sans que cela ne change rien. »

LE DOJO ET LA MAISON


«J'ai été élevé par ma grand-mère, une femme qui a eu onze enfants et qui a élevé cinq petits-enfants jusqu'à leur majorité. Je suis issu d'une famille d'ouvriers et j'en suis fier. Cela m'a permis d'apprendre à me battre et surtout de savoir ce que sont les valeurs. Il y a des gens, comme ma grand-mère, qui ne font pas d'arts martiaux, mais qui ont une tenue, un vrai respect des autres. Alors pour moi, le dojo c'est comme à la maison. Si vous entrer sur un tapis avec vos chaussures, c'est un peu comme si vous montiez sur votre lit avec !»
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MessageSujet: Re: Dans l'olympe des 8e dan   Dans l'olympe des 8e dan Icon_minitimeJeu 31 Jan - 1:23

Maîtres et amis

Plus fort que Chirac et Balladur : Dominique Valéra et Jean-Pierre Lavorato sont amis depuis 40 ans ! Comme ils totalisent 16 dans à eux deux, Ceinture Noire en a profité pour les interroger sur leur passion commune : le Karaté.

Interview croisée de deux maîtres de Karaté qui sont amis depuis 1964. On commence avec Dominique Valéra.

Ceinture Noire: Quand as-tu rencontré Jean-Pierre Lavorato pour la première fois ?

Dominique Valéra: J'ai rencontré Jean-Pierre en 1964, au stage de Saint-Raphaël.

C. N.: Comment s'est passée votre première rencontre ?

D. V.: Dès le départ, nous avons eu des atomes crochus. A l'époque, j'étais un battant, un travailleur. Jean-Pierre avait le même état d'esprit. Il a toujours eu cet esprit de guerrier. Nous étions tous les deux des combattants, des gros bosseurs. Nous, on s'entraînait tout le temps; en fait, nous étions des besogneux.

C. M.: Quelques années plus tard, vous êtes partis au Japon ensemble ?

D. V.: Oui, nous avions fait les stages d'été ensemble et nous avons décidé en 1966 de partir au Japon. On avait prévu d'acheter une voiture pour partir, pour partir le plus loin possible ! Avec trois autres personnes, nous avons acheté une Traction avant de 1940 et nous sommes partis. Nous sommes quand même arrivés avec la Traction jusqu'à Moscou. Juste avant Moscou, une roue est partie, puis la voiture a pris plus ou moins feu... Donc, suite à cela, nous avons pris l'avion de Moscou à Khabarovsk; de Khabarovsk à Nakoka, le Transsibérien. Et Nakoka -Yokohama en 2 jours de bateau.

C. N. : Ensuite, la découverte du Japon ?

D. V.: La découverte totale. A cette époque, pour nous, au Japon, il ne devait y avoir que des grands maîtres : tout le monde devait pratiquer le karaté ! Dans le fond de notre cerveau, c'était comme cela. Les yeux bridés représentaient systématiquement un maître. Nous avons été surpris de constater que le karaté était pratiquement inconnu. Le karaté était pratiqué particulièrement dans les universités ou dans les petits clubs privés, avec très peu de monde.

C. N. : Vous étiez partis à plusieurs dans cette équipée ?

D. V.: Il y avait Patrice Baroux, Jean-Robert Baroux, Philippe Ficheux, Jean-Pierre Lavorato et moi : nous sommes partis à cinq dans la traction.

C.N.: Et Alain Sétrouk?

D. V. : Oui, exact, Alain Sétrouk est venu en avion avec Yoshinao Nanbu. La plupart du temps, on a vécu dans la famille de Nanbu, chez sa grand-mère, un personnage extraordinaire.

C. N. : Avec Jean-Pierre, vous êtes restés toujours en contact?

D. V.: Oui, Jean-Pierre et moi, nous sommes très proches : toutes les semaines un coup de fil, et on se voit souvent, aux compétitions ou dans les stages. C'est une personne que je respecte beaucoup parce que c'est un vrai guerrier ; il n'a pas changé. C'est exactement le même qu'il y a vingt piges, toujours égal a lui-même.

C. N. : A l'époque, vous vous étiez rencontrés deux ou trois fois en Coupe de France ?

D. V. : Oui, en championnat de France. Il y a un championnat de France où j'étais militaire, il m'a battu. Je ne sais plus si c'était en finale ou demi-finale, pour un titre. Car à l'époque, il n'y avait pas de catégorie de poids : c'était toutes catégories. Et Jean-Pierre, c'est un guerrier !

C. N. : Et récemment, vous êtes-vous revus ?

D. V. : Actuellement, on se voit très fréquemment, car on a la même fonction au sein de la FFKAMA : on a pris le statut d'expert fédéral. Notre "patron", Francis Didier, qui était avec nous à l'époque en équipe de France, nous dispatche dans toute la France pour diriger des stages. Jean-Pierre, c'est davantage la formation technique et moi, c'est plus le karaté traditionnel pour un cours et karaté contact pour un autre.

C. N.: Tu as quel âge, maintenant?

D. V.: J'ai eu 56 ans le 18 juin passé.

C. N. : Tu pratiques depuis combien de temps ?

D. V.: Je pratique depuis 1960, j'avais treize ans.

C. N.: Comment vois-tu le karaté aujourd'hui, par rapport à ton expérience, à tous tes entraînements, à la sensation que tu pouvais avoir à tes débuts ?

D. V.: Aujourd'hui, il y a deux sortes de karaté. Il y a un karaté qui restera et il y a ceux qui pratiquent le karaté sportif. Le karaté sportif ne peut durer que l'époque d'une carrière. Une carrière, c'est quoi, dix ou quinze ans pour les plus costaux? Tu prends un décimètre et tu te dis que la vie c'est 20 cm, la carrière 3 cm. Est-ce que je travaille pour les 3 cm ou pour les 20 cm au total ? Si j'avais travaillé uniquement pour la compétition... J'ai arrêté la compétition a 28 ans pour le karaté et à 33 ans pour le full. Si tu calcules, cela ferait 23 ans que je ne ferais plus rien. En revenant sur les bases de ce qu'était le karaté, cela me permet de continuer, d'évoluer, de voir toute cette jeunesse, de les garder sur les rails et surtout de leur dire que le karaté ne s'arrête pas après la compétition : il continue longtemps après.

C. N.: Quelle est ta recherche aujourd'hui ?

D. V. : Ma recherche continue dans le contact. Démontrer que nous pouvons très bien faire du karaté contact, qui sera aussi spectaculaire, bien reçu par les jeunes s'ils sont bien formés dans cet état d'esprit. J'ai dit à Francis Didier, le contact oui, dans n'importe quelle condition, non.

C. N. : Justement, tu as organisé il y a quelque mois la première Coupe de France de Karaté Contact. C'est une discipline qui est appelée à se développer au sein de la FFKAMA ?

D. V.: Oui, elle continue à se développer. Cette année, nous allons faire la Coupe de France, le Championnat de France et je vais proposer à Francis Didier de faire une rencontre internationale.

C. N. : Cela touche qui dans les karatékas ? Pas ceux qui sont déjà en Equipe de France ?

D. V.: Non, non pas du tout. Ceux qui sont en Equipe de France vont continuer à faire leurs carrières de karaté traditionnel. Cela touche tous ceux qui ont loupé un peu leur carrière en traditionnel, parce que justement ils touchaient un peu trop : donc ils avaient un manque de contrôle. Cela touche aussi les anciens qui veulent faire du contact sans faire de compétition. Dans mon cours à Montpellier, j'avais commencé avec 7 personnes et j'ai fini la saison avec 54 personnes. Ces personnes venaient s'entraîner à tous les cours. Sur les 54 personnes, il y a 7 personnes qui font de la compétition. Cela prouve qu'il y a des gens qui viennent pour l'entraînement, pour l'ambiance. L'entraînement n'est pas d'une rigueur technique austère. Ce n'est pas, disons, d'une pureté technique rigide. Les mouvements sont très techniques, sans pour autant que cela soit laborieux. Par exemple, quelqu'un qui va travailler ses katas, et à qui on va vérifier son pied, sa cheville, ses orteils, si tout est placé, etc... Non, ce n'est pas tout à fait comme cela : c'est surtout l'ensemble du mouvement qui est intéressant à voir.

C. N. : Par rapport à la boxe américaine, quelle est la différence ?

D. V.: La première différence, c'est que le travail se fait en kimono ; la deuxième, nous n'avons pas droit à des crochets très larges et ni à des uppercuts très larges. Cela reste des mawashi-tsuki et des ura-tsuki, qui existent dans les katas et dans le karaté. Ni le droit de s'agripper sans faire d'action. La différence est surtout dans l'apprentissage technique : ce n'est pas du tout la même chose que la boxe américaine.

C. N.: Cela reste du karaté?

D. V.: Oui, les techniques restent karaté.

C. N.: Pour en revenir à Jean-Pierre Lavorato, il a toujours été considéré comme un grand technicien, spécialiste des katas. Toi, cette partie là, c'est moins ta tasse de thé, non ?

D. V.: Jean-Pierre Lavorato, n'est pas spécialiste des katas. Jean-Pierre Lavorato est un excellent technicien de karaté. La preuve, c'est qu'il a fait très peu de katas. Il a fait un travail qui est un karaté traditionnel de base et autour de cela, il a développé son karaté, avec une base super solide. Jean-Pierre Lavorato est un des karatékas français qui a une des bases les plus solides. De cette structure, de cette base, il a monté son karaté. Comme il avait un karaté Shotokan de Maître Kasé entre autres qui était vraiment très solide, il a pu construire son building, comme on dit.

C. N. : Jean-Pierre Lavorato se revendique en tant qu'élève de Maître Kasé, à la différence de toi, qui n'a pas eu de maître unique ?

D. V.: Non, je n'ai pas eu cette chance. Je pense que d'être l'élève de Maître Kasé, c'est une chance. Dans la vie, c'est comme cela, chacun à une chance. Ma chance, c'est d'avoir eu Perrin et Sanchez qui ont été deux pédagogues excellents, de bons professeurs qui m'ont gardé sur les rails; alors que vu le quartier où je suis né, la turbulence que j'avais, j'aurais pu facilement déraper dans un rôle beaucoup moins sportif. Ces deux personnes m'ont permis de rester sur les rails du sport. Je leur suis très reconnaissant, je les remercie infiniment et je n'arrêterai pas de le dire. Car ces deux personnes ont fait un travail totalement complémentaire pour me garder sur les rails, un travail qui s'appelle le sport, et c'est fabuleux ! Quand Kasé est arrivé, j'étais à l'armée et Lyonnais, basé dans un camp parachutiste à Mont de Marsan. Travailler avec Kasé qui était à Paris, c'était passer mes permissions à Paris. J'ai passé presque toutes mes permissions dans ma famille, à Lyon. Et quand je suis rentré de l'armée, j'ai commencé à donner des cours à Lyon... Je n'ai pas pu travailler avec maître Kasé, je n'ai pas eu cette chance. Je respecte beaucoup maître Kasé, j'ai eu l'occasion de le voir plusieurs fois, on a discuté, et chaque fois il était très content de me voir, nous avons un très bon contact. Une fois, lors d'un championnat de France à Paris, j'avais perdu en finale contre Sauvin. Maître Kasé n'était pas du tout d'accord. Il m'avait dit: "Non, non, tu n'as pas perdu, tu as gagné." Parce que Sauvin m'avait fait un Uraken et tout de suite dans l'action je le balaye et je fais Gyaku au sol. Kasé m'avait dit: "On ne peut pas arrêter la technique sur Uraken, parce que même si quelqu'un prend Uraken, derrière dans l'action il y a Gyaku dans la tête au sol, c'est de ça que l'on doit tenir compte; pas d'Uraken".

C. N. : En pensant à toute cette génération : Sauvin, Lavorato, Valéra, etc... Quelle est la différence avec les karatékas de maintenant?

D. V.: Avant, pour être un champion de karaté, on pratiquait; si l'on avait un bon mouvement ou un bon feeling dans le combat, on pouvait être un champion. La différence, c'est que maintenant pour un être un champion, il faut être un athlète ! Le môme, s'il n'est pas un athlète, n'a aucune chance d'y arriver. Quand je dis athlète, c'est quelqu'un qui court, quelqu'un qui saute, un vrai athlète, quoi. Avec une condition physique énorme, parce que cela va très vite aujourd'hui, c'est très, très rapide. Avant, on avait seulement besoin d'être un samouraï; maintenant, un samouraï, cela ne sert à rien. La différence aujourd'hui, c'est qu'il faut être encore plus un athlète !

C. N. : Avant, cela bougeait moins, c'était davantage une question de mental que de technique ?

D. V.: Cela bougeait moins, mais cartonnait plus ! Il fallait quand même rester en place : les coups étaient beaucoup plus portés que maintenant.

C. N.: Des coups au corps, essentiellement?

D. V.: Oui, bien sûr, des coups aux corps. Les coups aux visages, ce sont des accidents; évidemment, il y en avait quelque fois : cela faisait vraiment très mal. Le karaté d'avant était beaucoup plus rude, plus rigide. Je tire mon chapeau quand ce sont des gens comme Jean-Pierre, à moins de 75 kg. Il y avait aussi des petits gabarits, comme Paschy, Saidane, qui étaient des combattants extraordinaires. Saïdane, avec son gabarit de 50/60 kg, il tombait en finale sur un mec de 90 kg : et bien chapeau, c'est ça le karaté. Etre capable de se défendre contre n'importe qui, quelle que soit sa stature, son poids et sa technicité.

C. N.: Une dernière chose: à l'époque, le karaté avait une aura qu'il a un peu perdu maintenant?

D. V.: Oui, cela ne peut plus être pareil, car aujourd'hui, il y a une dizaine de catégories, donc II y a dix champions du Monde, dix champions d'Europe, dix champions de France. A l'époque, il y avait un seul champion de France, d'Europe, ou du Monde. C'était "Le" Champion.

C. N.: Sinon, parallèlement au karaté, tu continues toujours à pratiquer le golf?

D. V.: Ah oui, hier on a encore fait un parcours avec Christophe Pinna ; il n'y a pas très longtemps qu'il fait du golf et il continue. J'ai initié récemment Claude Pétinella au golf. C'est très bon pour la concentration, cela apporte beaucoup de choses au karaté. Le golf, c'est comme le karaté: c'est une question de centimètres, dont les plus importants se trouvent entre les deux oreilles !
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MessageSujet: Re: Dans l'olympe des 8e dan   Dans l'olympe des 8e dan Icon_minitimeJeu 31 Jan - 1:23

Jean-Pierre Lavorato

Ceinture Noire: Quand as-tu rencontré Dominique Valéra pour la première fois ?

Jean-Pierre Lavorato: J'ai rencontré Dominique il y a quarante ans !

C. N. : C'était à quelle occasion ?

J. P. L : A l'occasion d'un championnat.

C. N. : Avez-vous sympathisé tout de suite ?

J. P. L : Oui, tout de suite.

C. N. : Vous vous êtes revus après, dans des stages ?

J. P. L : Oui, à Saint-Raphaël en 64, on s'est retrouvé dans les stages, les championnats, les entraînements, dans l'Equipe de France, on s'est retrouvé plusieurs fois.

C. N. : Vous avez décidé de partir au Japon ensemble ? C'était quand ?

J. P. L : C'était en 1966.

C. N. : Ce voyage s'est passé comment? Vous êtes partis à combien ?

J. P. L. : Nous étions 7 personnes au total. 5 dans la voiture et 2 par avion. Dans l'avion, il y
avait Yoshinao Nanbu et Alain Sétrouk. Et dans la voiture il y avait Dominique Valéra, Patrick
Baroux, Jean-Robert Baroux, Philippe Ficheux et moi-même. Philippe Ficheux et Jean-Robert étaient des élèves de Patrick Baroux. On avait acheté une vieille Traction Citroën en commun, et nous sommes partis de Paris à Moscou. Pourquoi Moscou? Parce que la voiture a rendu l'âme en route ! On a perdu une roue en doublant un camion. On a pété une clavette et après cela c'était le gros problème. On l'a abandonné sur la Place Rouge, voilà !

C. N. : Après, vous avez continué en train ?

J. P. L : On a fait Paris-Moscou en voiture, Moscou-Khabarovsk en avion, après on a fait Khabarovsk-Nakoka en Transsibérien et Nakoka-yokohama, au Japon, en bateau.

C. N. : La découverte du Japon, c'était comment ?

J. P. L : J'avoue que l'on s'attendait à autre chose. Au début on était un peu surpris. C'est à dire que nous, on s'attendait à voir par exemple des petites maisons traditionnelles japonaises. A Tokyo, ce sont des grands buildings! Il restait bien quelques petites maisons japonaises, mais j'avoue que concernant l'architecture, c'était un peu surprenant. Par contre, quand nous sommes descendus sur Kyoto, c'était différent de Tokyo. Particulièrement Kobé où nous étions basés au départ. A Kobé et Osaka, il y a encore beaucoup de petites maisons typiquement japonaises. Nous étions hébergés chez Yoshinaho Nanbu, dans une petite maison japonaise, on dormait sur les nattes, par terre. La grand-mère de Yoshinao Nanbu était une femme charmante, d'une gentillesse extrême et ses parents... Vraiment, on a été reçu avec une telle gentillesse : ces gens sont exceptionnels, c'était réellement fabuleux.

C. N. : Et au niveau karaté ?

J. P. L : On a fait, façon de parler, une tournée. On est resté le plus souvent dans l'Ouest du Japon, c'est à dire Kobé-Osaka. Où on a été pratiqué avec les Shito-ryu, les Shukokaï. Après cela, on est monté sur Tokyo ; là, nous sommes allés au Shotokan. Nous avons aussi rencontré maître Yamaguchi, dit le chat, du Goju-Ryu, et tous les grands maîtres de l'époque. Au Shotokaï, maître Egami était malade, on a eu affaire à Aoki, si je me souviens bien. En Shotokan, on s'entraînait à la Japan Karaté Association et à l'université Taïshokodaï.

C. N. : Qu'avez-vous retiré du Japon, sur le plan karaté ?

J. P. L : Les Japonais travaillent techniquement correctement, bien sûr. Ils travaillaient vraiment beaucoup. Les gens s'entraînaient tellement que c'était impressionnant; c'est à partir de ce moment qu'on a pris conscience qu'il fallait qu'on s'entraîne davantage, mentalement et physiquement, c'est lié. Au niveau technique, ils nous ont fait durement travailler. On nous faisait vraiment bosser physiquement. Mais à part cela, ce n'est pas qu'il n'y ait pas de recherche au niveau technique, mais c'était surtout au niveau physique : la répétition du mouvement, voilà.

C. N. : Est-ce que tu n'as pas été un peu déçu au niveau karaté ?

J. P. L : Oui, un peu.

C. N. : Sans doute parce que les Japonais qui venaient en France étaient des experts d'un très haut niveau ?

J. P. L : Pour mon compte personnel, après ce voyage, ayant rencontré maître Kasé, il n'y a pas de comparaison. Je ne vais pas aller au Japon alors que maître Kasé, mon sensei de Shotokan est ici, en France. Cela serait ridicule. Mais à l'époque, on ne savait pas tout cela ; alors on est parti, la fleur à l'oreille si je puis dire. Le Japon, le berceau du karaté : c'est vrai qu'on a été légèrement surpris et parfois désagréablement surpris, l'accueil n'était pas toujours terrible. Un très bon accueil dans les écoles différentes des nôtres, de la mienne par exemple; en Shotokan, à la JKA, on n'a pas été très bien reçu. Alors que dans les Universités, on a reçu un bon accueil.

C. N.: Comment vois-tu Dominique Valéra, sur le plan humain et sur le plan karaté ?

J. P. L : Je vois un type très bien. Un garçon extra, hormis ses qualités de karatéka. Sur le plan humain, c'est quelqu'un de droit, très convivial. Personnellement, je le considère comme un frère. C'est à dire que je n'aimerais pas que l'on dise quelque chose sur lui, face à moi : je ne le supporterais pas. Sur le plan karaté, au point de vue compétiteur, c'est ce qu'on a fait de mieux jusqu'à maintenant. C'est le number one!

C. N. : Dominique et toi, vous pratiquez le karaté depuis un bon moment ; comment pensez-vous que le karaté a évolué par rapport à cette époque ? La mentalité était différente ?

J. P. L : Oui, on pratique le karaté depuis quarante ans. Vraiment, je ne peux pas dire quoi que ce soit sur l'époque d'aujourd'hui. Ni juger une époque par rapport à l'autre. De plus, je ne pratique plus la compétition aujourd'hui, et je suis cela de très loin. A l'époque, on se battait les uns contre les autres, sans se faire de cadeau sur le terrain : et dès que c'était fini, après et pas avant, parce que l'on était concentré, dès que c'était fini, on se tenait par le cou, bras dessus-dessous, on était là ensemble; que l'on ait perdu ou gagné, on acceptait, il n'y avait de fromage ou de discours sur les journaux, ou si ou ça. On perdait, on perdait, on gagnait, on gagnait: c'était clair entre nous. Il y avait une amitié, qui existait avant et qui existait après, et qui existe toujours. Je le dis bien haut: Dominique Valéra, c'est la personne que je préfère à tous. Un homme de qualité, de grande valeur, exceptionnel.

C. N. : A l'époque, les coups au corps étaient portés ?

J. P. L. : Oui, c'est exact, même un peu au visage. A l'époque, il n'y avait pas de réglementation, d'arbitrage bien défini. Maintenant, il y a une réglementation, un arbitrage strict. Les combattants portent des protections : tout cela n'existait pas à l'époque, à part la coquille, c'était tout. C'est vraiment différent aujourd'hui : l'approche de la compétition est sportive, ce qui est très bien. Nous, ce n'était pas du tout sportif, c'était karaté. On pratiquait le karaté toute l'année et deux mois avant les compétitions, on travaillait fort, en direction de la compétition, point.

C. N.: Sur le plan de ta pratique personnelle, cela fait quarante ans que tu t'entraînes ; quelle est ta recherche aujourd'hui, dans quel sens as-tu évolué ?

J. P. L.: C'est un peu long à expliquer. Disons, ma recherche, ce sont les sensations, les esquives,
le travail des appuis, le coup décisif, chercher le maximum d'efficacité.

C. N. : La recherche de la perfection ?

J. P. L. : C'est un peu prétentieux de dire perfection. On cherche le mouvement le plus fluide, la sensation la meilleure, avec une sérénité interne, une certaine tranquillité.

C. N.: Dominique et toi, vous vous entraînez pratiquement tous les jours, et cela depuis quarante ans. On se demande : comment faites-vous pour trouver la motivation dans l'entraînement? Qu'est-ce qui vous pousse a continuer tous les jours ?

J. P. L. : C'est mental, avant tout. C'est aussi l'amour de la discipline, la passion de notre Art. Lui comme moi ; lui, ses recherches sont différentes, mais la finalité est la même, on cherche à s'approcher de la même chose. Cet équilibre entre le corps et l'esprit, cette efficacité maximale, si on peut l'avoir. Passé un certain temps, c'est un mode de vie : chercher et s'approcher de cette stabilité au maximum, c'est une manière de vivre, une manière d'exister. Après tant d'années, aller sur le terrain et mouiller le kimono avec les gars, c'est pour cela, je pense, que les gens ont un profond respect pour nous. Dominique vient d'avoir 56 ans, moi 59 ans hier.

C. N. : Cela fait un peu rire. On ne vous voit pas vraiment comme des "papys" ?

J. P. L : Non, certainement pas; quand on fait des techniques de jambes ou de bras, les gars ont du mal a le croire : pour eux, cet âge-là, on ne doit pas l'avoir.

C. N. : Oui, c'est fabuleux : toujours la passion !

J. P. L. : C'est fou. On dirige des cours : c'est passionnant, c'est enrichissant mais c'est bien aussi de s'entraîner pour soi. Cela arrive que Dominique et moi soyons ensemble sur des stages, on est complémentaire; on s'entraîne tous les deux, la passion est là : qu'il fasse Gyaku-tsuki de telle manière et moi d'une autre, c'est sans problème. C'est cela aussi : se regarder, discuter des points de travail ; cette relation entre nous est exceptionnelle, je l'avoue; dans le monde des arts martiaux ou ailleurs, je ne crois pas que cela existe beaucoup. Surtout dans deux voies différentes.
Par exemple, j'ai des élèves que je connais depuis plus de 25 ou parfois 30 ans, et qui sont devenus des amis; il y a beaucoup de pratiquants 5e ou 6e dan qui sont encore avec nous. Si l'on avait eu un mauvais comportement, ces gens-là ne seraient pas restés. Cela prouve bien que notre travail, ce que l'on a communiqué, n'a pas été vain. S'ils n'avaient plus voulu pratiquer, on aurait pu rester amis; on a réussi à allier les deux, ce côté pratique et amitié. Dominique et moi, nous sommes des gens humbles, on ne critique pas les autres, on les laisse parler et nous, nous nous entraînons. Voilà.

C. N. : Quel était l'état d'esprit d'un pratiquant il y a quarante ans par rapport à maintenant? Est-ce que tu as remarqué une différence dans la mentalité des élèves, des demandes différentes?

J. P. L : Oui, il y a une différence; je parle des gens qui sont des simples pratiquants : ils n'ont pas envie de souffrir pour progresser, ils veulent faire quelque chose de plus superficiel, pas tellement en profondeur, et cela au départ.

C. N.: Les débutants?

J. P. L : Oui, les débutants : pour certains, c'est même un loisir; pour d'autres, c'est pour apprendre à se défendre. Je crois que c'est le rôle de l'enseignant d'essayer de les amener vers quelque chose de plus ardu. Je ne pense pas que l'on puisse aller aussi loin qu'avec certains auparavant.

C. N.: Donc, aujourd'hui, c'est considéré comme un loisir?

J. P. L. : Oui, aujourd'hui, les gens prennent cela comme un sport plutôt qu'un art martial. Certains viennent pour l'art martial, mais ils sont beaucoup moins nombreux qu'avant. Avant, les gens venaient surtout pour l'art martial, car cela restait encore un peu mystérieux. Maintenant, tout le monde ou presque entend parler de l'équipe de France, étant donné que nous sommes le numéro 1 mondial en compétition.

C. N. : On peut dire que le sport a banalisé le karaté, sans que cela soit péjoratif?

J. P. L : II a un peu occulté l'art martial. Les enfants pratiquent du karaté sportif, ce qui est logique, car on ne peut pas dire à un gosse de pratiquer un art martial ; donc, ça s'est un peu démocratisé, si je puis dire.

C.N. : Qui fut ton premier professeur?

J. P. L : J'ai commencé à Sainte Geneviève des Bois, dans le 91, avec Pierre Mercier, mon premier professeur. Il m'a envoyé à l'Académie Française des Arts Martiaux, chez monsieur Plée, rue de la Montagne Sainte Geneviève, où j'ai fait beaucoup de progrès. A ce moment-là, je faisais mon service militaire; ça a coïncidé avec l'arrivé de Yoshinao Nanbu. En 1966, j'ai rencontré maître Kasé, il s'est installé en France en 1967. Depuis ma rencontre avec maître Kasé, j'ai suivi ses cours jusqu'à ce jour, et je continue à les suivre.

C. N. : Ton rôle au sein de la fédération ?

J. P. L. : Je suis responsable national des grades, je suis membre du comité directeur, au poste réservé des professeurs diplômés d'état; je suis responsable de l'inter-régions n° 5, Corse, Côte d'Azur, Provence, Languedoc Roussillon. Nous avons été, Dominique et moi, pendant quelques années, occulté de la Fédération. Quand Francis Didier a été nommé au poste de directeur technique national, il a souhaité que je vienne faire du boulot au sein de la fédé; avec Francis, on discutait souvent en se disant: ce serait bien si Dominique Valera pouvait révenir. Dès que Francis Didier a été élu Président de la Fédération, Dominique nous a rejoint, et voilà. Je suis ravi de travailler avec Francis, je suis ravi de pouvoir travailler avec tout le monde, et surtout avec mon ami Dominique. Chez nous c'est amical, c'est affectif. Au-delà du karaté, bien que le karaté et la vie pour nous, c'est indissociable, c'est un bloc, c'est un tout. Nous sommes dans la vie comme nous sommes dans le karaté. Un gars qui n'est pas mauvais en karaté, dans la vie courante, il sera correct, il sera bien. Avec un seul et même leitmotiv : travail, travail, recherche, travail, ne pas désarmer, on peut toujours progresser; peu importe le niveau, le grade, l'âge. C'est ce que j'ai toujours dit: travailler, réfléchir, essayer d'aider les plus jeunes à progresser, transmettre aux jeunes notre passion, pour qu'ils continuent après. Nous avons reçu quelque chose de nos anciens, il faut le donner aux générations suivantes. Le transmettre avec notre évolution, notre recherche. L'art martial, c'est aussi la transmission.
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